dimanche 12 août 2012

Billet d'humeur du dimanche 12 août 2012 (Pourquoi on surnomme les policiers « poulets » et pourquoi ça fâche)


En ce dimanche 12 août 2012, quoi de neuf en ce monde ??? L’origine du surnom « poulets » remonte au XIXe siècle et donne un aspect quasi patrimonial, affectueux à l’appellation.

La préfecture de police rappelle qu’en 1871, soit un an après avoir changé de nom officiel (les « sergents de ville » deviennent les « gardiens de la paix »), Jules Ferry met à disposition de la préfecture la caserne de la Cité pour en faire son siège.

Cette caserne a été bâtie sur l’emplacement de l’ancien marché aux volailles de Paris. Rapidement, le sobriquet de « poulets » est donné aux policiers. On dit aussi « poulaga » (« la maison poulaga » désigne la police au sens large), « poulard », voire « perdreau ».

Plus populaire, et mieux partagée de génération en génération que les surnoms « condé » ou « keuf », la métaphore animale du poulet contribue à faire du policier « un familier ».

Dans les années 50, une flopée d’écrivains donnent une couleur populaire et presque affectueuse à la métaphore du policier en poulet : chez San Antonio, Simonin ou même Hervé Bazin.

Mais à la même époque aux Etats-Unis, l’histoire de « Mike, le poulet sans tête » – un poulet qui aurait survécu, la tête coupée – est immortalisée par Life et amuse la presse populaire. Elle interroge sur la capacité d’un poulet à survivre sans son cerveau.

Insidieusement, Mike s’inscrit dans une tradition bien plus ancienne qui fait du poulet un symbole de bêtise. Cette tradition littéraire, symbolique, donne au poulet toutes les caractéristiques de l’animal idiot, dupe, sans défense, victime des gros carnassiers.




La Fontaine utilise les animaux pour parler des mœurs des hommes. Dans son bestiaire, la volaille incarne la bêtise par excellence. A part « Le Coq et le renard », on trouve chez le fabuliste quantité de poèmes égratignant l’image de la volaille :
  • une « poule jeune et sage » qui se fait par exemple avoir « sottement » par un renard dans « La Poule et le renard » . 
  • dans « Le Renard et les poulets d’Inde », de jeunes dindons sont hypnotisés par leur ennemi et tombent dans son piège comme des bleus .
  • dans « Le Coq et la perle », le volatile préfère bêtement « un grain de mil » à une perle .
  • dans « Les Deux Coqs », la fable présente un perdant honteux et un gagnant que la vantardise conduit à la perte .

Côté pile, le poulet stupide de La Fontaine, donc. Côté face, le poulet sacrifié du Ministère Amer.

En 1995, le ministère de l’Intérieur porte plainte contre le Ministère Amer pour leur chanson « Sacrifice de poulet », sur la bande originale de « La Haine ». Il écope d’une amende de 250 000 francs, entre autres pour « provocations directes non suivies d’effets envers les fonctionnaires de police ».

La Fontaine et le Ministère Amer semblent l’emporter sur l’anecdote historique du marché aux volailles. C’est sans doute cette image prospère, tenace du poulet écervelé ou du poulet qui passe à la casserole qui cristallise aujourd’hui la vexation de policiers.

Voila encore un jour en ce beau monde…. Allez allez circulez il y a rien à voir.