De «provisoire» à «à durée indéterminée», il n'y avait qu'un pas qu'ArcelorMittal a aisément franchi.
Ainsi donc l'aciérie de Schifflange (Luxembourg) ne redémarrera pas et le train à laminés marchands s'arrêtera avant la fin de l'année. On pourrait remercier le groupe de ne pas avoir prolongé la mascarade de trimestre en trimestre, six mois étaient suffisants. Mais il joue sur les mots et cela en devient insultant tant son objectif final apparaît clairement.
ArcelorMittal pense certainement traiter le Luxembourg avec des pincettes par rapport à d'autres pays moins chargés de symbole. Mais il n'est pas prêt pour autant à réellement se pencher sur la viabilité de ses sites historiques qui ont vu transpirer des dizaines de milliers de travailleurs en un siècle. Et freine de tout son poids les discussions avec les syndicats sur le plan industriel qu'il devrait pourtant pouvoir proposer.
Il faut croire que les empires n'ont pas de mémoire. «Je me souviens du groupe disant qu'il voulait des sites luxembourgeois dont le pays soit fier», confiait hier au Quotidien la bourgmestre d'Esch-sur-Alzette, Lydia Mutsch. «On ne retrouve plus cet esprit aujourd'hui...» Loin de là, en effet. La direction d'ArcelorMittal choisit ses mots et n'oublie jamais de faire sentir qu'aucun site ne sera épargné par une faiblesse de l'activité mondiale ou par un revirement du conseil d'administration.
Surtout, le groupe a cessé d'investir dans Rodange&Schifflange pour pouvoir constater ensuite leur perte de compétitivité et les condamner à plus ou moins long terme. Il fait mourir ces sites à petit feu, le temps que les salariés s'habituent à l'idée de partir, que la résignation l'emporte sur la colère. Bientôt, les salariés demanderont grâce et espéreront la fermeture définitive, sans appel, plutôt que de rester dans une attente malsaine.
Halte à la mascarade. ArcelorMittal sait très bien où il veut en venir. Il vaut mieux pour lui vider les sites luxembourgeois de leurs qualités plutôt que de les voir rachetés par un concurrent. Et le groupe préfère aussi des reclassements et des préretraites largement financées par l'État plutôt qu'un plan social et une décontamination de ses sites infiniment plus coûteux. Cela ne prédit rien de bon pour les camarades de Arcelor-Mittal Florange.