jeudi 19 avril 2012

Des sans-papiers arrêtés à la porte de l'hôtel où la préfecture les avait logés


La loi prévoit que les conditions d'arrestation d'un étranger en situation irrégulière doivent être "loyales". En clair, elle ne permet pas qu'un sans-papiers soit convoqué au guichet d'une préfecture pour un soi-disant examen de dossier, afin que la police puisse le cueillir. Deux exemples récents montrent que l'administration ne respecte pas toujours cette obligation.

1/ La famille Mamoï.

La nuit dernière, Nane et Amo Mamoï et leurs deux enfants n'ont pas dormi au centre de rétention administrative (CRA) de Lyon-Saint-Exupéry. La juge du tribunal administratif de Lyon qui a examiné vendredi la situation de cette famille a jugé que la préfecture avait eu tort de la placer en rétention.

Mais elle a rejeté la demande de leur avocate contestant l'Obligation de quitter le territoire français (OQTF) sous le coup de laquelle ils se trouvent.

Nane et Amo Mamoï, les parents, sont nés en Azerbaïdjan, alors république soviétique, mais appartiennent à la minorité kurde.

En 1992, A l'âge de 18 ans, pour lui, et 12 pour elle, ils quittent leur pays en guerre avec l'Arménie voisine et séjournent d'abord en Ukraine, puis en Russie où naissent leurs enfants aujourd'hui âgés de 9 et 7 ans.

En septembre 2010, les Mamoï arrivent en France où ils déposent une demande d'asile. Le temps que l'Office de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) se prononcent, la famille est logée, et les enfants scolarisés. Mais l'Opfra puis la Cour national du droit d'asile rejettent leur demande.

Les Mamoï se retrouvent alors à la rue. Lors du plan grand froid, ils sont hébergés dans une structure d'urgence. Entre temps, ils ont déposé une demande de titre de séjour qui sera rejetée par la préfecture laquelle leur délivrera une OQTF.

A la fin du plan grand froid, les Mamoï se retrouvent une nouvelle fois à la rue, et dorment dans un parking de la gare Perrache. Ils déposent alors un référé en application de la loi sur le logement opposable. Le tribunal administratif leur fait droit, et ordonne à la préfecture de leur trouver un toît.

Le 10 avril, un hébergement leur est proposé dans un hôtel. Deux jours plus tard, la police vient les cueillir à domicile. « Cette action en justice pour le droit au logement a-t-elle précipité l'expulsion de cette famille ? » questionnent les associations qui les soutiennent.

En clair, ont-ils été punis pour avoir fait plier l'administration? Et celle-ci a-t-elle respecté son obligation de "loyauté" en allant les interpeller à la porte de l'hôtel où elle les avait elle-même placés?

Hier, les Mamoï ont retrouvé leur hôtel. Mais sont toujours sous le coup d'une OQTF.

Reste que l'exécution de cette mesure promet d'être compliquée. Pour que Nane er Amo Mamoï soient expulsés, il faut que l'Azerbaïdjan les reconnaisse comme ses ressortissants et leur délivre un laissez-passer.

Or, ils ont quitté leur pays sans documents d'état civil, et leur région d'origine, coincée entre l'Azerbaïdjan et l'Arménie a été ravagée par une guerre entre ces deux pays.

En Azerbaïdjan, ils faisaient partie de la minorité kurde. En France, ils pourraient rejoindre celle des étrangers non expulsables et non régularisables.

2/ Monsieur Z. K.

Depuis août 2010, Monsieur Z.K. est régulièrement employé dans une entreprise de restauration collective. Mais il est en situation irrégulière et a obtenu son emploi en se présentant sous l'identité d’une tierce personne. Lorsqu'il l'apprend, son employeur le "licencie", c'est-à-dire qu’il lui dit... de ne pas revenir le lendemain.
M.K a des droits, le Code du travail prévoit en effet que des indemnités doivent être versées à l’étranger en cas de rupture du contrat de travail. La dernière réforme du droit des étrangers, adoptée en juin 2011, a même organisé un nouveau cadre réglementaire pour faire bon droit aux travailleurs étrangers licenciés alors qu’ils sont en situation irrégulière.

Suivant les conseils d'un militant syndical de la CNT-nettoyage, les Prud’hommes sont saisis.

Mercredi matin, au sortir de l'audience de conciliation au palais de justice de Nanterre, M. K est interpellé, arrêté et emmené, sans que quiconque ait le temps de réagir.

Tandis que Monsieur K est conduit en garde à vue dans les Yvelines, l’employeur explique, tout naturellement, qu’il a informé la police du jour et du lieu où elle pourrait « cueillir » son employé, contre qui il a porté plainte, pour usurpation d’identité, dès qu’il a appris qu’une procédure prud’homale était engagée.