samedi 14 avril 2012

Proces : Rodrigue, 15 ans, passé à tabac parce qu'il est noir


Le 15 octobre dernier, vers 21 h 30, Rodrigue, 15 ans, circule à vélo dans une rue de Calais où résident un père et ses deux fils. « Qu'est-ce qu'il à me regarder le sale négro ? » lui lance l'un deux. Avant de lui arracher son t-shirt et d'en venir aux mains. Il est rejoint par son frère, qui maintient la victime alors que l'autre la frappe. Le père arrive un peu plus tard. mais au lieu de mettre un terme à la bagarre, donne lui aussi un coup de poing au visage de Rodrigue. Le jeune homme de 15 ans s'en sort avec une dent en moins et trois autres déchaussées.

À l'audience, jeudi au tribunal de grande instance de Boulogne-sur-mer, le père et ses deux fils racontent une toute autre histoire. L'agresseur, c'est Rodrigue et la victime, le prévenu. Aucun propos raciste n'a été tenu par l'un d'entre eux. « C'est ma cousine qui l'a traité de sale noir quand il est passé et il a voulu se battre avec moi », explique l'un des deux fims. Le père lui, est intervenu pour mettre fin au conflit, mais Rodrigue voulant toujours en découdre, il a dû lui en « coller une » pour le remettre sur son vélo. Devant le président du tribunal, Louis-Benoît Betermiez, la version des prévenus, qui n'ont cessé d'en changer depuis leurs premières auditions avec les policiers, est incohérente et peine à convaincre. L'une des assesseurs du président résume : « Est-ce que tout le monde ment, même les policiers ? Par contre, on doit vous croire maintenant alors que vous avez raconté des salades au départ ? » La réponse se fait discrète. Et la tromperie vire parfois au grotesque. « Avez-vous esquivé les coups de Rodrigue ou en avez-vous reçu ? », demande le président. « Non...On s'est rendus coup pour coup. C'est dans ma première version que j'ai dit que je les avais esquivés », bafouille-t-il. « Il y a une dame qui a vu comment ça s'était passé. Rodrigue n'a même pas donné un coup », reprend la mère de la victime.

Me Devos-Courtois, l'avocate de la partie civile, rappelle : « Votre cousine, une petite fille de treize ans, s'est effondrée en larmes pendant les auditions avec un policier. Et a fini par avouer qu'elle n'avait jamais insulté Rodrigue mais que sa mère lui avait demandé de mentir. » Et revient sur le caractère racial du délit. « Des propos racistes, il y en a eu avant, pendant et après la bagarre. » Même avis chez la procureur Yasmine Hedin, qui note « qu'on retrouve à la barre les mêmes sourires narquois que ceux décrits lors des auditions. Le caractère raciste transpire par tous les pores de ce dossier. J'ai bien essayé de mettre en cause la version de Rodrigue, mais aucun élément du dossier ne permet de douter de sa parole. Par contre vous, vous nous avez raconté n'importe quoi ! » L'avocat de la défense, Me Fasquel, a beau craindre que « la volonté de combattre le racisme dans la société ne nous fasse jouer le mauvais procès », ses clients sont reconnus coupables par le tribunal. Les deux fils écopent de dix et quatre mois, leur père de huit mois, tous avec sursis. Ils devront payer 3 000 euros de provision et prendre en charge les frais dentaires de leur victime.