mercredi 18 avril 2012

Lens : deux soeurs coupables de discrimination


Le tribunal de Béthune a condamné Gertrude et Élisabeth Lesage à une amende de 3 000 euros chacune ainsi qu'au versement solidaire de 4 500 euros de dommages et intérêts à un couple de Lensois d'origine algérienne à qui elles ont refusé en 2009 de vendre un bien immobilier.À peine la décision du tribunal correctionnel de Béthune prononcée, Gertrude et Élisabeth Lesage, déclarées coupables de discrimination, se sont éclipsées sur la pointe des pieds. Sans même un regard pour Dalila Blamm à qui elles ont refusé, il y a trois ans, la vente de la maison de leur mère, à Lens, dont elles avaient hérité après son décès, au profit d'autres acquéreurs. Bien qu'elles aient nié, durant leur procès en mars dernier, avoir pris cette décision une fois connaissance des origines maghrébines du couple Blamm, les révélations du directeur et de la secrétaire de l'agence immobilière sont loin d'avoir plaidé en leur faveur. En effet, tous deux affirment qu'une des soeurs leur a dit, à l'époque : « Je ne veux pas d'Arabes dans la maison pour la tranquillité du voisinage et le souvenir de ma mère ».

Un témoignage clé dans ce dossier, selon Me Jean-Bernard Geoffroy. « Il est très rare que des faits de discrimination en matière d'acquisition d'un logement soient évoqués devant une juridiction française car ils sont souvent difficiles à prouver », affirme l'avocat des époux Blamm, qui se félicite du jugement rendu. « S'il peut avoir valeur d'exemple et inciter les victimes de discrimination à oser porter plainte, c'est déjà beaucoup. » Un souhait également formulé par Dalila, tout aussi satisfaite de l'issue de cette affaire qui l'a profondément blessée et a traumatisé sa famille. « Je ne pensais pas qu'aujourd'hui, on pouvait encore tenir des propos racistes comme ça. C'est un coup de marteau qu'on reçoit sur la tête », relate cette maman de quatre enfants. 

« Un terrible malentendu » Des propos que les principales concernées se sont toujours défendues d'avoir tenu, évoquant un « terrible malentendu ». Me Gildas Brochen, un des deux avocats de la défense, qui avait réclamé la relaxe de sa cliente tout comme son confrère, continue de marteler que l'annulation de la transaction immobilière ne résulte en rien d'une volonté discriminatoire. « La seconde agence (par l'intermédiaire de laquelle la vente a finalement été accordée à un autre couple, ndlr) a su se montrer plus persuasive en convainquant Mme Lesage de la solvabilité de ses clients et en n'hésitant pas à se rendre chez elle un dimanche matin pour signer le compromis de vente. » Un argument qui n'a pas convaincu les juges béthunois qui ont condamné chacune des soeurs - qui peuvent encore faire appel - à une amende de 3 000 E dont la moitié avec sursis, à laquelle s'ajoute le versement solidaire, aux Blamm, de 2 000 E au titre du préjudice moral et 2 500 E pour le préjudice financier subi par le couple, contraint d'acheter un bien plus cher. Sans oublier les 750 E de dommages et intérêts à SOS Racisme qui s'était porté partie civile dans cette affaire.