mercredi 25 janvier 2012

Suicides au CHR de Lille ou le « quotidien invivable » des agents


Les syndicats ne veulent pas  lier directement les quatre suicides du CHR de Lille avec les conditions de travail avant que les enquêtes soit clauses.  Mais « Ça, ce sera aux enquêtes de le dire, même si pour un des trois cas, il semble que les conditions de travail ont été déterminantes », estime Frédéric Herrewyn, secrétaire général de la CGT au CHRU. Mais comme Force ouvrière l'a relevé ces derniers jours, la CGT, syndicat majoritaire au CHR, dénonce un « quotidien invivable » et évoque un « syndrome France Télécom ». En cause, la T2A (tarification à l'activité) introduite par la réforme hospitalière de 2007, qui a bouleversé la vie des services. « Cela fait cinq ans qu'on alerte la direction, on a été un des premiers CHR à revenir à l'équilibre, mais à quel prix ? », s'interroge Isabelle Leclercq, membre du CHSCT (comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail) de l'hôpital Salengro. « La tarification à l'acte ne correspond pas au coût réel donc on augmente le nombre d'actes pour gagner des sous. Comme les budgets ne suivent pas, les soignants sont obligés de se multiplier » , soupire Nicole Bernabé, militante à la CGT. Avec des conséquences très désagréables pour les soignants, rappelés sur leurs jours de repos pour « boucher les trous », et qui multiplient les heures supplémentaires. « Avec ces horaires, il est difficile d'avoir une vie familiale, beaucoup de couples explosent et cela fragilise les agents », déplore Isabelle Leclercq.

Jean-François Bourse, lui aussi secrétaire général de la CGT au CHRU, indique que « si la direction devait rendre tous les jours travaillés et les heures supplémentaires, on devrait embaucher 800 CDD par an ». Pour lui, « on ne peut séparer la vie professionnelle de la vie personnelle, car quand les agents rentrent chez eux, ils ne sont pas libérés de leur charge puisqu'ils sont joignables à tout moment. Et puis, on travaille sur de l'humain, on côtoie la mort, la maladie... » La situation n'est pas propre au CHR de Lille. La semaine dernière, un soignant de l'hôpital de Lens a mis fin à ses jours. Thierry Vandembenche, secrétaire départemental de FO-Santé dans le Pas-de-Calais, fait le même diagnostic : « Ce qui se passe dans les hôpitaux n'aide pas ceux qui ont des soucis personnels. Avant, on se lâchait dans le travail pour oublier ses problèmes. Aujourd'hui, le travail enfonce le salarié. » Il affirme avoir alerté l'Agence régionale de santé, en 2011, après une vague de suicides. « On nous avait promis ce fameux observatoire des risques psychosociaux, se souvient-il. On préférait un dispositif de prévention. Mais rien n'a été fait ! » À l'hôpital de Roubaix, le secrétaire adjoint de la section CGT, Jacques Adamski, note une « recrudescence de cas lourds de dépression » depuis quelques années. « Il y a un vrai stress lié au manque d'effectifs. Les agents finissent leur service en estimant ne pas avoir fait tout ce qu'ils devaient. Cela crée un profond malaise vis-à-vis des patients. » Remontée, la CGT balaie d'un revers de la main les propositions du ministère de la Santé qui, selon elle, ne serviront à rien tant que le gouvernement n'agira pas à la racine du problème : les moyens et les effectifs. Souhaitant objectiver son propos, la CGT fera d'ailleurs appel à un cabinet extérieur pour réaliser une expertise sur la charge de travail des agents du CHR. « Il s'agit aussi de savoir si le risque de passage à l'acte est plus important qu'ailleurs ou pas », conclut Frédéric Herrewyn.w Le résultat de l'enquête administrative demandée par la direction de l'hôpital doit être connu aujourd'hui.