dimanche 29 juillet 2012

Billet d'humeur du dimanche 29 juillet 2012 (Horreurs économiques et Jeux Olympique)


En ce dimanche 29 juillet 2012, quoi de neuf en ce monde ??? Nos horreurs économiques : telle est l'implacable mais juste formule par laquelle Rimbaud, alors révolté par les très dures conditions de vie de la classe ouvrière, qualifiait, dans ses Illuminations, la réalité sociale de son temps. Mieux : c'est dans un poème portant le très emblématique titre de Soir historique (1886), où il faisait implicitement allusion à ce "grand soir" auxquels nous rêvons tant, que le jeune Rimbaud émettait cette critique qui, bien qu'elle se référât là au dernier grand "mythe poétique" comme le réputait Sartre en sa "Critique de la raison dialectique", n'en demeurait pas moins fondée.

Mais que dirait-il donc aujourd'hui, ce "voyant" extralucide de Rimbaud, à voir, pour ne s'en tenir qu'à notre actualité la plus brûlante, ce gigantesque barnum économique, foire de toutes les empoignes marchandes, entourant l'imminente cérémonie d'ouverture, cle 27 juillet 2012, des Jeux olympiques de Londres, événement médiatique et planétaire par excellence ?

Car que l'on y songe un instant : c'est Lakshmi Mittal, milliardaire P-DG d'Arcelor-Mittal, le fossoyeur de toute une région ouvrière de notre bonne vieille Europe, depuis les hauts-fourneaux de Liège-Seraing (en Belgique) jusqu'aux aciéries de Florange (en France) en passant par le bassin sidérurgique de Schifflange-Rodange (au Luxembourg), qui sera l'un des porteurs de la flamme olympique. Et cela, pour le remercier, argue le CIO, d'avoir dépensé 18 millions d'euros, au moment même où il supprimait des dizaines de milliers d'emplois avec la fermeture de ces différents sites, pour la construction de la fameuse Tour Orbit : une structure d'acier rouge destinée à symboliser, précisément, ces JO de Londres.

C'est dire si les syndicats ouvriers des pays concernés ont toutes les raisons de se sentir insultés, floués et écoeurés face à ce flagrant déni des valeurs de l'olympisme, au premier rang desquelles émergent, ainsi que l'indique sa charte, "la responsabilité sociale" tout autant que "le respect des principes éthiques fondamentaux universels". 
Parfaitement justifiée apparaît donc la lettre que les représentants syndicaux ont adressée, en front commun, au président, Jacques Rogge, du Comité international olympique. Ils y disent en effet ne pas "comprendre comment il (Jacques Rogge) parvient à combiner ces principes, et l'honneur de les défendre accordé (...) à un homme (Lakshmi Mittal) qui apparaît comme l'un des grands massacreurs d'emplois de l'histoire industrielle." Et de conclure leur missive en affirmant, d'un ton non moins sévère, ne pas saisir que l'olympisme puisse "récompenser ceux qui broient des vies".

Ce cynisme sans nom, alibi des pires stratégies financières et manoeuvres sociales, Viviane Forrester le dénonçait elle aussi, il y a une quinzaine d'années déjà, en un essai portant le très rimbaldien titre, justement, d'Horreur économique (1996) : "Nous vivons au sein d'un leurre magistral, d'un monde disparu que nous nous acharnons à ne pas reconnaître tel et que des politiques artificielles prétendent perpétuer. Des millions de destins sont ravagés, anéantis, par cet anachronisme dû à des stratagèmes opiniâtres, destinés à donner pour impérissable notre tabou le plus sacré : celui du travail."




L'horreur économique ne s'arrête toutefois pas là. Car cette très rentable entreprise que sont devenus les Jeux olympiques modernes, véritable symbole du capitalisme contemporain en ce qu'il a parfois de plus indigne, n'a pas fait que se courber ainsi, au mépris du sort de milliers d'ouvriers désormais sans emploi pour nourrir leur famille, devant les liasses de billets de Mittal. Elle s'est aussi engluée, tout aussi honteusement, dans l'argent du pétrole, qui, lui, pue vraiment : une odeur de cadavre, sur fond de désastre écologique !

Qu'il suffise, pour se convaincre de cet autre scandale financier et humain entourant ces JO de Londres, de considérer trois de ses principaux sponsors : BP, Rio Tinto et Dow Chemical, auxquels des associations (Bhopal Medical Appeal, UK Star Sands Network et London Mining Network) dont la crédibilité morale s'avère au-dessus de tout soupçon ont décerné la très peu enviable récompense, ex aequo, de "médaille d'or du blanchiment écologique".

Que l'on se souvienne, à ce propos, de la catastrophe, en décembre 1984, de Bhopal, où une usine de produits chimiques de Union Carbide, à présent propriété de Dow Chemical précisément, explosait en libérant un gaz toxique qui fera, en deux semaines, 25 000 morts (3 000 selon le bilan, largement sous-estimé, officiel) : victimes dont les familles n'ont jamais été, en outre, indemnisées !

Et puis, le groupe pétrolier BP, qui, il y a moins de deux ans, en 2010, avait provoqué, dans le golfe du Mexique, une marée noire sans précédent, avec la dramatique destruction de la faune marine, à la suite d'un accident sur une plate-forme offshore.

Quant à Rio Tinto, groupe minier fournissant les très officielles mais onéreuses médailles de ces jeux (les plus chères, en ces temps de crise, de toute l'histoire de l'olympisme), il est de notoriété publique, excepté pour ceux qui n'ont aucun intérêt à l'entendre, qu'il exploite sans vergogne ses travailleurs, en plus de polluer inconsidérément les sites où opèrent, en toute impunité, ses installations.

Voila encore un jour en ce beau monde…. Allez allez circulez il y a rien à voir.