jeudi 9 février 2012

Billet d'humeur du jeudi 9 février 2012 (Une détenue devant les prud'hommes pour défendre ses droits)


En ce jeudi 9 février 2012, quoi de neuf en ce monde ??? Son avocat veut en faire exemple, mais préfère ne pas divulguer le nom de sa cliente. Celle-ci, en détention provisoire à la maison d'arrêt de Versailles (Yvelines) depuis le 12 juillet 2010, doit être extraite de sa cellule, mardi 7 février, pour défendre ses droits devant le conseil de prud'hommes de Paris. Au centre de cette audience de conciliation, un "licenciement abusif".

C'est ce que la jeune femme reproche à son ancien employeur, MKT Societal, pour lequel elle a travaillé entre août 2010 et avril 2011 au sein de la maison d'arrêt. Employée comme télé-opératrice, Karine a été "déclassée" après avoir "utilisé les ressources informatiques" de la société pour passer un coup de téléphone à sa sœur. Une infraction aux règles de l'atelier.

Ce dossier soulève une nouvelle fois le problème du statut de celles et ceux qui travaillent en détention. Sur ce point, l'article 717-3 du code de procédure pénale est clair : "Les relations de travail des personnes incarcérées ne font pas l'objet d'un contrat de travail". Selon la loi pénitentiaire votée en 2009, les détenus signent un "contrat d'engagement" avec l'administration pénitentiaire, qui octroie de son côté des concessions à des sociétés privées. Ces règles dérogent donc au droit commun. Les salaires aussi sont différents. A titre d'exemple, le seuil minimum de rémunération (SMR) pénitentiaire fixé par l'administration était de 4,03 euros brut de l'heure en 2011, lui-même calculé sur la base du smic 2010 à 8,86 euros brut de l'heure.




Pour les avocats de Karine, Fabien Arakélian et Julien Riffaud, il s'agit d'un "licenciement sans cause réelle et sérieuse". Et ils entendent bien le plaider puisque, comme ils l'expliquent, leur cliente était rémunérée et travaillait avec un lien de subordination au profit d'autrui. "Les trois critères qui font qu'un contrat de travail de droit privé n'a pas besoin d'être écrit", assure Me Riffaud.

Dans une déclaration à l'AFP, la patronne de MKT Societal, Laura Geradon de Vera, a assuré que la détenue "n'était en aucun cas salariée de MKT Societal, car elle était salariée de l'administration pénitentiaire" et précisait que les détenues travaillant comme télé-opératrices étaient payées "20 % au dessus du smic en milieu carcéral".  Malheureusement le conseil des prud'hommes a de fortes chances de se rallier à cette argumentation. "Est-ce pour autant qu'il ne faut rien faire?", interrogent les deux avocats de la plaignante, expliquant, preuve à l'appui, que la société MKT Societal a établi une attestation d'emploi à l'attention de leur cliente.

Le 22 février, le contrôleur général des lieux de privation de liberté, Jean-Marie Delarue, doit rendre son rapport annuel. Un chapitre sera consacré à la rémunération du travail en détention. Mais depuis longtemps déjà, l'Observatoire international des prisons (OIP) comme d'autres associations de défense des personnes incarcérées, dénonce une "zone de non-droit du travail" et des activités peu qualifiantes en détention. "Pas de smic, pas d'indemnités chômage, maladie ou accident du travail, pas de congés payés ni de droit syndical", écrit l'organisation, qui s'inquiète que cette situation crée un "eldorado économique" pour les entreprises privées.




Dans la présentation de son activité, MKT Societal se défend pourtant de tout opportunisme économique et assure par la voix de sa directrice que le projet est né de la volonté de "donner une dimension sociale" à son activité en participant à la réinsertion des détenues. Sur le site Internet de l'entreprise, il est toutefois précisé que "la production au sein des établissements pénitentiaires apporte une solution très concurrentielle par rapport aux deux autres modes de production traditionnels" (centres d'appels en France et à l'étranger). "Sous couvert d'insertion sociale, on exploite les détenus avec la bénédiction de l'Etat", s'indigne Me Arakélian, qui rappelle qu'avant d'installer des plateformes téléphoniques en prison, MKT travaillait notamment en Tunisie.

En octobre 2010, la société MKT Societal était épinglée par Jean-Marie Delarue, qui dans un rapport de visite à la maison d'arrêt de Versailles expliquait que beaucoup de détenues se plaignaient alors des "cadences de travail et des pressions qui s'exercent sur elles pour tenir le bon niveau de travail". Les contrôleurs notaient en outre que les horaires étaient variables et que les taux horaires de rémunération "ne correspondaient en rien ni aux taux horaires affichés ni au salaire minimum de référence".

Ce qui est certain c’est que le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes de Paris a décidé de renvoyer l'affaire au 12 septembre prochain. Le dossier sera alors abordé sur le fond à l'occasion d'une audience dite de jugement. Affaire à suivre…

Voila encore un jour en ce beau monde….allez allez circulez il y a rien à voir.