La loi prévoit que les conditions d'arrestation d'un
étranger en situation irrégulière doivent être "loyales". En clair,
elle ne permet pas qu'un sans-papiers soit convoqué au guichet d'une préfecture
pour un soi-disant examen de dossier, afin que la police puisse le cueillir.
Deux exemples récents montrent que l'administration ne respecte pas toujours
cette obligation.
1/ La famille Mamoï.
La nuit dernière, Nane et Amo Mamoï et leurs deux enfants
n'ont pas dormi au centre de rétention administrative (CRA) de
Lyon-Saint-Exupéry. La juge du tribunal administratif de Lyon qui a examiné
vendredi la situation de cette famille a jugé que la préfecture avait eu tort
de la placer en rétention.
Mais elle a rejeté la demande de leur avocate contestant
l'Obligation de quitter le territoire français (OQTF) sous le coup de laquelle
ils se trouvent.
Nane et Amo Mamoï, les parents, sont nés en Azerbaïdjan, alors
république soviétique, mais appartiennent à la minorité kurde.
En 1992, A l'âge de 18 ans, pour lui, et 12 pour elle, ils
quittent leur pays en guerre avec l'Arménie voisine et séjournent d'abord en
Ukraine, puis en Russie où naissent leurs enfants aujourd'hui âgés de 9 et 7
ans.
En septembre 2010, les Mamoï arrivent en France où ils
déposent une demande d'asile. Le temps que l'Office de protection des réfugiés
et apatrides (Ofpra) se prononcent, la famille est logée, et les enfants
scolarisés. Mais l'Opfra puis la Cour national du droit d'asile rejettent leur
demande.
Les Mamoï se retrouvent alors à la rue. Lors du plan grand
froid, ils sont hébergés dans une structure d'urgence. Entre temps, ils ont
déposé une demande de titre de séjour qui sera rejetée par la préfecture
laquelle leur délivrera une OQTF.
A la fin du plan grand froid, les Mamoï se retrouvent une
nouvelle fois à la rue, et dorment dans un parking de la gare Perrache. Ils
déposent alors un référé en application de la loi sur le logement opposable. Le
tribunal administratif leur fait droit, et ordonne à la préfecture de leur
trouver un toît.
Le 10 avril, un hébergement leur est proposé dans un hôtel.
Deux jours plus tard, la police vient les cueillir à domicile. « Cette action
en justice pour le droit au logement a-t-elle précipité l'expulsion de cette
famille ? » questionnent les associations qui les soutiennent.
En clair, ont-ils été punis pour avoir fait plier
l'administration? Et celle-ci a-t-elle respecté son obligation de
"loyauté" en allant les interpeller à la porte de l'hôtel où elle les
avait elle-même placés?
Hier, les Mamoï ont retrouvé leur hôtel. Mais sont toujours
sous le coup d'une OQTF.
Reste que l'exécution de cette mesure promet d'être
compliquée. Pour que Nane er Amo Mamoï soient expulsés, il faut que
l'Azerbaïdjan les reconnaisse comme ses ressortissants et leur délivre un
laissez-passer.
Or, ils ont quitté leur pays sans documents d'état civil, et
leur région d'origine, coincée entre l'Azerbaïdjan et l'Arménie a été ravagée
par une guerre entre ces deux pays.
En Azerbaïdjan, ils faisaient partie de la minorité kurde.
En France, ils pourraient rejoindre celle des étrangers non expulsables et non
régularisables.
2/ Monsieur Z. K.
Depuis août 2010, Monsieur Z.K. est régulièrement employé
dans une entreprise de restauration collective. Mais il est en situation
irrégulière et a obtenu son emploi en se présentant sous l'identité d’une
tierce personne. Lorsqu'il l'apprend, son employeur le "licencie",
c'est-à-dire qu’il lui dit... de ne pas revenir le lendemain.
M.K a des droits, le Code du travail prévoit en effet que
des indemnités doivent être versées à l’étranger en cas de rupture du contrat
de travail. La dernière réforme du droit des étrangers, adoptée en juin 2011, a
même organisé un nouveau cadre réglementaire pour faire bon droit aux
travailleurs étrangers licenciés alors qu’ils sont en situation irrégulière.
Suivant les conseils d'un militant syndical de la
CNT-nettoyage, les Prud’hommes sont saisis.
Mercredi matin, au sortir de l'audience de conciliation au
palais de justice de Nanterre, M. K est interpellé, arrêté et emmené, sans que
quiconque ait le temps de réagir.
Tandis que Monsieur K est conduit en garde à vue dans les
Yvelines, l’employeur explique, tout naturellement, qu’il a informé la police
du jour et du lieu où elle pourrait « cueillir » son employé, contre qui il a
porté plainte, pour usurpation d’identité, dès qu’il a appris qu’une procédure
prud’homale était engagée.