Alors que le procureur décrit les 77 victimes, une à une,
Anders Behring Breivik, 33 ans, reste de marbre. Dans la salle d'audience du
tribunal d'Oslo (Norvège), c'est le procès le plus terrifiant de l'histoire de
la Norvège qui s'est ouvert ce lundi matin à 9 heures. Anders Breivik, l'auteur
des deux attaques qui ont fait 77 morts l'été dernier dans la capitale, veut
prouver que son massacre était justifié. Alors qu'il vient de plaider non-coupable,
il assure qu'il a agi par légitime défense. « Je reconnais les faits, mais je
ne plaide pas coupable», lance-t-il aux juges. Plus tôt, il avait affirmé par
le biais de son avocat regretter de ne pas avoir fait plus de morts.
En costume noir, chemise et cravate, Breivik s'est assis
dans le box en faisant son salut d'extrême-droite, le poing levé. Il s'est
présenté comme un écrivain «travaillant en prison», rejetant d'emblée la
légitimité du tribunal d'Oslo pour le juger. «Je n'accepte pas votre autorité
dans cette affaire, a-t-il lancé à la juge Wenche Elizabeth Arntzen, affirmant
qu'elle était amie avec la soeur de l'ancien premier ministre travailliste Gro
Harlem Brundtland. Vous êtes mandatée (ndlr : en tant que juge) par des forces
qui soutiennent le multiculturalisme».
Ce procès portant sur le massacre le plus sanglant commis en
Norvège depuis la Seconde Guerre mondiale est entouré d'importantes mesures de
sécurité et d'un intérêt médiatique considérable. Selon le quotidien
britannique The Telegraph, cinq survivants y assistent. Pas moins de 113
journalistes sont présents dans cette cour construite spécialement et qui
aurait coûté environ 12 millions d'euros.
La première journée doit être consacrée à la lecture de
l'acte d'accusation et aux remarques préliminaires du ministère public, qui
poursuit Breivik pour «actes de terrorisme». L'accusé aura aussi l'occasion de
s'exprimer sur sa culpabilité.
Son avocat, Geir Lippestad, a indiqué qu'il
plaiderait non-coupable : s'il reconnaît les faits, Breivik estime avoir agi
«en légitime défense» contre «des traîtres à la patrie» coupables, selon lui,
de brader la société norvégienne à l'islam et au multiculturalisme.
L'extrémiste de 33 ans devrait s'expliquer à partir de mardi sur son geste,
qu'il a d'ores et déjà qualifié d'«atroce mais nécessaire».
Le 22 juillet 2011, Breivik avait d'abord tué huit personnes
en faisant exploser une bombe au pied de la tour qui abrite le siège du Premier
ministre travailliste, absent à ce moment-là. Puis, déguisé en policier, il
avait froidement tiré pendant plus d'une heure sur des membres de la Jeunesse
travailliste réunis en camp d'été sur l'île d'Utoeya, près d'Oslo, faisant 69
autres victimes, essentiellement des adolescents.
Le principal point d'interrogation du procès qui devrait
durer 10 semaines porte sur la santé mentale de l'accusé. Jugé psychotique et
donc pénalement irresponsable par un premier rapport psychiatriques l'an
dernier, l'accusé a ensuite été déclaré sain d'esprit par une contre-expertise
dont les résultats ont été publiés le 10 avril. En dernier ressort, il
reviendra aux cinq juges du tribunal d'Oslo de trancher cette délicate question
dans leur verdict attendu en juillet.
Si Breivik est reconnu pénalement responsable, il encourt 21
ans de prison, une peine qui pourra ensuite éventuellement être prolongée aussi
longtemps qu'il sera considéré comme dangereux. Dans le cas contraire, il devra
subir un traitement psychiatrique dans un établissement fermé, potentiellement
à vie.