Après les révélations du Canard Enchaîné sur Ikea qui aurait espionné des salariés et des clients via les fichiers STIC de la police, la direction de la Police nationale ne souhaite pas s’exprimer. Contactée par France Info, la CNIL ne commente pas cette affaire en particulier. Dans un communiqué laconique, Ikea "désapprouve de façon claire et vigoureuse toutes ces pratiques illégales". Mais sur France Info, celui qui fut l’un des premier à dénoncer les dérives du fichier STIC révèle que les entreprises sont nombreuses à recourir aux informations – pourtant souvent erronées – contenues dans ce fichier "ramasse-tout" de la police.
Selon l’ex-commandant Pichon, "tous les policiers habilités par leur hiérarchie ont accès au fichier STIC. Soit environ 100.000 fonctionnaires". Sans compter ceux qui utilisent le code d’accès d’un collègue qui traîne sur un post-it collé sur l’écran de l’ordinateur.
Une fois introduit dans le système, qu’y trouve-t-on ? "Un Français sur deux est fiché par STIC – ce qui représente 36 millions de fiches – pour des choses vérifiées ou non vérifiées puisque certaines décisions de justice ne sont pas mises à jour, notamment les relaxes, ou les classements sans suite", poursuit l’ancien flic. Selon Philippe Pichon, "87% des informations sont erronées, fausses, et ne pourront en aucun cas servir l’intérêt général ou l’intérêt de la police nationale". Des chiffres corroborés par un rapport parlementaire et un rapport de la CNIL (Commission nationale informatique et libertés), à télécharger ici. "Il y a une dimension subjective qui intervient dans le fichage du fichier STIC et c’est cette dimension subjective qui pose problème", analyse l’ancien fonctionnaire.
Pour aller consulter une fiche STIC, il faut avoir un code d’accès, ou simplement être l’ami d’un fonctionnaire qui dispose d’un code. "Je trouve dommage de stigmatiser Ikea, car d’autres groupes français ou étrangers puisent abondamment leurs informations dans le fichier STIC", affirme l’ex-commandant Pichon. "STIC est utilisé par des policiers ou des chefs d’entreprises peu scrupuleux, à des fins d’espionnage (…) La plupart du temps, contre une bouffe, ça sert les DRH d’entreprises pour savoir quelle est la « fiabilité » d’un employé", poursuit-il. Selon Philippe Pichon, les policiers qui monnayent leurs informations restent "quand même l’exception". On attend un peu ou on rigole tous de suite….
Pour dénoncer les dysfonctionnements du fichier STIC, le commandant Philippe Pichon avait sorti en 2009 les fiches STIC de Johnny Hallyday et Jamel Debbouze, qu’il avait transmises à un site d’information satirique. Ces faits lui ont valu une mise à la retraite d’office, suspendue quelques mois plus tard par le tribunal administratif.