En ce mercredi 11 avril 2012, quoi de neuf en ce monde ??? Quinze
individus ayant subis des contrôles "au faciès" ont décidé de saisir
la justice contre l'Etat ce mercredi 11 avril 2012. Ils engagent la
responsabilité du Ministère de l'Intérieur pour les actions discriminatoires
que perpétreraient ses agents.
Nadir et Armel, deux jeunes étudiants de l’université, sont
assis devant une enseigne de Macdonald, à Lyon, un soir d’octobre 2011, quand
une voiture de police s’arrête près d’eux et les agents s’approchent. Contrôle
d’identité, fouille. Ces deux jeunes hommes étaient les deux seuls non blancs
dans la foule assise sur la terrasse du restaurant. Ils ont été les deux seuls
à être contrôlés. Ils le sont d’ailleurs tous les deux régulièrement, parfois
jusqu’à dix contrôles en un mois.
Bocar, qui travaille auprès d’élus locaux, a été arrêté par
la police en bas de chez lui, en banlieue parisienne, en début d’une soirée de
novembre 2011. L’officier en charge du contrôle l’a poussé contre un mur, lui a
fait écarter ses jambes à coups de pieds avant de lui demander ses papiers. Cet
agent qui, pendant le contrôle, le menaçait avec un tazer…
Karim et Antony ont été contrôlés au centre de Besançon
alors qu’ils discutaient avec des amis un bel après-midi de décembre 2011.
Pendant le contrôle l’un des officiers dit à Karim : « t’es gros, faut maigrir,
va faire du sport ». Ce même agent l’a également giflé. Karim et Antony ont
l’habitude de ces contrôles qui peuvent, suivant les périodes, se répéter
jusqu’à trois ou quatre fois dans une seule journée.
Ces jeunes hommes ne sont que des exemples parmi un groupe
de 15 individus ayant subis le même type de contrôles « au faciès » et qui ont
décidé de saisir la justice contre l’Etat ce mercredi 11 avril 2012. Ils
engagent la responsabilité du Ministère de l’Intérieur pour les actions
discriminatoires de ses agents.
Ces hommes sont de profils bien divers : étudiant en école
de commerce, en art dramatique, lycéen, collaborateur d’élus,
chauffeur-livreur, serveur, artiste musicien… Ils ont tous été la cible de
contrôles d’identité, non à cause de ce qu’ils font, mais à cause de leur
apparence : « noirs » ou « arabes »… Ceci est clairement de la discrimination
basée sur les origines ou la couleur de peau, et c’est illégal.
Cette action qui passe par la voie judiciaire pour lutter
contre le problème répandu de la discrimination dans les contrôles d’identité
est une première en France. Depuis des décennies, des associations et des ONG
ont publié des rapports sur ces contrôles abusifs. Toutefois, dans un contexte
où la police française ne diffuse pas d’informations à propos de ses pratiques
en matière de contrôle d’identité, les gouvernements successifs continuent à
nier le problème et n’ont donc pris aucune mesure pour y répondre.
En 2009, en collaboration avec le CNRS, l’Open Society
Justice Initiative a publié une étude scientifique qui a fourni les premières
preuves quantitatives du fait que les minorités ethniques françaises sont
injustement ciblées par les forces de police. Cette étude s’appuie sur un
échantillon de plus de 500 contrôles au cours d’une année et sur 5 points
d’observation différents dans les alentours de Gare du Nord et de Châtelet-Les
Halles à Paris. Les statistiques montrent que les individus perçus comme « noirs
» étaient en moyenne contrôlés 6 fois plus que ceux perçus comme « blancs »,
tandis que ceux perçus comme « arabes » étaient en moyenne contrôlés 8 fois
plus que les « blancs ».
Mais même ces preuves difficilement contestables ne sont pas
parvenues à briser le mur du déni officiel de l’existence de ce problème.
L’action en justice s’est donc logiquement imposée, bien qu’elle fût délicate à
mettre en œuvre.
Un groupe d’avocats en collaboration avec le Syndicat des
Avocats de France (le SAF) et l’Open Society Justice initiative, ont passé plus
d’un an pour identifier et établir les voies légales permettant d’une part de
mettre en faute l’Etat, responsable de ce problème répandu, et d’autre part de
définir les méthodes pour rassembler des preuves de cette discrimination
valables devant une Cour.
La difficulté majeure qui se pose dans cette action est
l’absence de cadre juridique spécifique permettant de lutter contre la pratique
de la discrimination par la police dans la loi.
De plus les contrôles d’identité sont en effet les seuls
actes de procédures pénales pour lesquelles il n’y a aucune trace matérielle.
Cela implique qu’un individu arrêté, contrôlé, palpé et même parfois fouillé ne
reçoit aucun document attestant de l’existence de ce contrôle. Par conséquent
les avocats ont dû trouver des voies créatives pour parvenir à contester cette
pratique
En matière de discrimination liée aux origines, cette action
en justice manifeste une forme nouvelle de la mobilisation politique en France.
En s’éloignant de la mobilisation plus traditionnelle qui repose sur des
manifestations publiques ou des rassemblements ponctuels, cette lutte qui
s’empare des tribunaux s’inscrit dans la durée. Cette lutte rappelle à la
République le respect de ses principes fondamentaux : le droit inaliénable de
tout citoyen de pouvoir circuler librement sur le territoire français, le droit
au respect de sa dignité et de sa vie privée, sans égard pour ses origines ou
sa couleur de peau. Cette lutte refuse les indignités, les humiliations et les
violences des contrôles au faciès.
Cette action se distingue également par une nouvelle
alliance entre avocats, chercheurs, organisations internationales, ainsi qu’un
collectif « Stop le Contrôle au Faciès » qui regroupe un large ensemble
d’associations, de leaders locaux, d’acteurs politiques, d’artistes et de
simples individus militants.
Ce collectif met en œuvre des méthodes innovantes (comme par
exemple la diffusion d’une série de vidéos interviews de rappeurs parlant de
leurs expériences personnelles en matière de contrôles) pour identifier et
rassembler les victimes souhaitant engager la responsabilité du Ministère de
l’Intérieur devant le juge. Le début de cette procédure judiciaire est un
instant clé dans cette lutte. Il témoigne de l’admirable courage des
demandeurs.
Nous espérons que les magistrats en charge du dossier
prendront la mesure des principes en jeu, et reconnaitront la légitimité de la
demande formulée par l’ensemble des personnes qui ont joint cette action dans
la perspective de donner tout son sens au principe d’égalité.
Voila encore un jour en ce beau monde….allez allez circulez
il y a rien à voir.