En ce samedi 9 juin 2012, quoi de neuf en ce monde ??? Enfin, le moment tant attendu est arrivé : la
Coupe d’europe de Football. Les dieux du Stade et les prêtres du culte sportif
ont envahi notre quotidien tandis que les hordes de supporters et supportrices
lâchées dans les rues décorées pour l’occasion par les vomis de nationalismes
exacerbés, polluent notre environnement de leurs olas envahissantes. La
crétinisation des consciences est en marche derrière les hurlements de
troupeaux de fanatiques soumis à une propagande capitaliste jamais dénoncée
parce que très insidieuse. L’opium sportif, pour reprendre l’expression de
Jean-Marie Brohm (Les Shootés du stade) peut se diffuser derrière les corps
parfaits d’athlètes déifiés par une quasi-unanimité politique, journalistique
et intellectuelle. La lutte de classe s’arrête aux portes des stades !
Les rares critiques qui nous sont rapportées par la pensée
unique et uniforme des émissions et magazines où sévissent les valets de la «
sportivisation » des consciences, voient le sport comme un fait social récupéré
par les excès d’un capitalisme prédateur. Pour ces critiques, le football est
avant tout porteur de valeurs saines qu’il faut sortir des marigots
capitalistes qui les auraient salies. C’est aussi le discours d’un grand nombre
d’organisations altermondialistes mais aussi de « partis révolutionnaires » qui
ne vivent les crises du sport qu’avec quelques rectifications à la marge. La
campagne menée autour de la Coupe d’europe contre la prostitution en étant
l’exemple.
Ainsi, la conscience que le sport participe de manière non
idéologique à la formation de l’individu au capitalisme est rarement mise en
évidence dans la plupart des organisations qui se réclament de
l’anticapitalisme. Le sport n’est pas un simple rouage, parmi d’autres, de la
machine à broyer capitaliste : par sa popularité, il en est le moteur, comme
l’éducation. D’ailleurs, ce n’est sûrement pas un hasard si cette critique
radicale du sport est surtout portée par le milieu de l’éducation, par un
universitaire comme Jean-Marie Brohm, par quelques trop rares revues comme
L’Emancipation, par des camarades courageux dans leurs syndicats, mais aussi
par des lieux de résistance sur le Web
Autrement dit, sport et éducation relèvent de la même
fonction qui est de réduire les tensions provoquées par le capitalisme en
intégrant les hommes et les femmes aux rapports de production dominant et aux
cadres institutionnels qui les portent. Sport et éducation organisent les
formes de production de demain en déconstruisant les hommes et les femmes (de
manière différente : le sport misant plus sur l’abrutissement des consciences, l’école
par la mise sous tutelle de l’enseignement aux directives du patronat) afin de
les préparer à mieux recevoir l’idéologie dominante. Entre celui qui pisse le
plus loin et celui qui obtient la meilleure note, les deux institutions
inscrivent les hommes et les femmes dans la plus antidémocratique des sociétés
(à l’image de ce que sont les écoles ou le Comité international olympique et la
FIFA) où méritocratie, culte de l’élite et compétition sont les « valeurs
humaines ». Dans les deux institutions, la soumission à l’autorité, la
hiérarchisation des groupes, l’apologie de la performance et de la réussite -
d’où sont d’ailleurs exclues les femmes - sont de formidables apprentissages à
ce monde que nous construit la bourgeoisie dominante. Autour et dans les écoles
et les stades on prépare les générations futures à une militarisation de la
société (Cf. J.-M. Brohm et M. Caillat, Les Dessous de l’Olympisme) justifiée
par l’apartheid social : le monde de demain n’est pas celui où les pauvres
seront cantonnés derrière des barbelés (ils sont trop nombreux !) mais où les
riches s’enfermeront dans des espaces hyper-sécurisés par la police et l’armée,
surveillés par vidéo, contrôlés par biométrie, où chaque piscine permettra à
chacun de vivre intensément son bonheur. Comment vivent nos idoles ? La
militarisation de la société se prépare tout aussi bien dans les écoles que
dans les stades !
Enfin, les deux institutions sont aussi des machines de
conquêtes : avec, d’une part, l’idée de plus en plus répandue dans les systèmes
scolaires nationaux que l’école doit se plier aux exigences du marché et,
d’autre part, avec la mondialisation du sport (JO, Coupe d’europe) qui véhicule
les valeurs occidentales, nous avons là, mieux que la politique de la
canonnière, les armes pour recoloniser une planète aux profits des intérêts de
classe d’une riche bourgeoisie.
Ne nous berçons pas d’illusions qui flatteraient notre ego
de petits bourgeois humanistes. L’école et le sport ne participent en rien aux
valeurs humanistes, pas plus qu’ils n’ouvriraient une alternative à la
soumission par l’émancipation. C’est un peu comme si les historien(ne)s
rejetaient pour les régimes totalitaires leurs objectifs de fabriquer un homme
nouveau par l’embrigadement, l’endoctrinement et la propagande. Nous concevons
volontiers que les Jeux Olympiques de Berlin en 1936 aient servi de vitrine à
l’idéologie nazie, que la préparation des athlètes s’orientait dans ce désir
d’homme nouveau voulu par le nazisme… Alors pourquoi refusons-nous de voir la
même chose avec le capitalisme ? L’école et le sport sont là pour nous dresser
et non nous libérer ! Et si la critique radicale du sport nous montrait ce
qu’est la gauche révolutionnaire ?
Face à cette réalité on comprend très bien que la gauche
social-démocrate botte en touche (pour mémoire la campagne JO Paris 2012) : par
démagogie sûrement, mais encore plus parce qu’elle a parfaitement assimilé les
diktats de l’entreprise. En revanche, on devrait s’attendre à un discours plus
musclé sur le sport de cette gauche qui se veut plus radicale, voire
révolutionnaire ! Que nenni… on ne touche pas au sport, sauf pour en dénoncer
les dérives extérieures (comme la prostitution, à combattre certes, mais aussi
en montrant les liens entre « eros center » pour mâles excités de la braguette
gonflée à la bière et, exacerbation de la virilité dans la pratique du foot par
des joueurs gonflés on ne sait plus à quoi !). Ce sont les mêmes incohérences
que l’on retrouve, souvent chez les mêmes révolutionnaires, quand critiquant
les institutions et la démocratie représentative, ils s’empressent de la
cautionner par leur participation électorale. On ne peut être révolutionnaire,
anticapitaliste et applaudir aux exploits de l’équipe de France.
Cette mise à l’écart d’une critique radicale du sport pour
de nombreux camarades qui se réclament de l’anticapitalisme et de la rupture
montre bien les limites des pratiques révolutionnaires face aux institutions
dominantes. Notre anti-électoralisme, nous permet, probablement à nous autres
libertaires de nous libérer du poids de l’intégration à la démocratie
représentative et facilite d’autant plus la prise de conscience des liens entre
capitalisme et institutions politiques. La participation des mouvements se
réclamant de l’anticapitalisme aux rituels électoraux donne à la
représentativité sa justification et ouvre une voie royale au triomphe de
l’économie de marché. Notre présence dans les manifestations sportives, sous
quelque forme qu’elle soit relève de la même démarche : nous justifions la «
légitimité » d’un système que nous devons avant tout délégitimer. Voila encore
un jour en ce beau monde….allez allez circulez il y a rien à voir.