Ce n'est pas la première fois qu'est pointé du doigt l'effet
néfaste du travail nocturne. L'agence cancer de l'Organisation mondiale de la
santé (OMS), le Centre international de recherche sur le cancer (IARC/CIRC),
l'a classé en 2010 comme "probablement cancérogène" en tant
qu'activité perturbatrice du "rythme circadien".
Le rythme "circadien" (qui en latin signifie
"environ un jour") gère l'alternance veille-sommeil, régulant de
nombreuses fonctions biologiques et se trouve altéré chez les personnes
travaillant la nuit ou ayant des horaires décalés.
Une étude chez des infirmières avait déjà "montré un
excès de risque de cancer du sein pour celles travaillant la nuit",
explique Pascal Guénel, directeur de recherche au Centre de recherche en
épidémiologie et santé des populations de l'Institut national de la santé et de
la recherche médicale (Inserm, France).
Mais l'originalité de cette étude est de porter sur une
population féminine générale et de traiter de manière relativement détaillée
les types et les durées des activités de nuit effectuées, explique cet
épidémiologiste.
Une augmentation de 30% du risque de cancer chez les femmes
ayant travaillé la nuit peut être considérée comme "plutôt légère mais
significative d'un point de vue statistique", indique à l'AFP M. Guénel
qui a dirigé l'étude publiée dans l'International Journal of Cancer.
Un tel accroissement signifie que le "risque
relatif" est de 1,3 alors que "par comparaison le risque relatif de
cancer du poumon chez les fumeurs est de dix", relativise-t-il.
Mais le risque lié au travail de nuit est "du même
ordre de grandeur" que d'autres risques connus de cancer du sein comme les
mutations génétiques, l'âge tardif de la première grossesse ou les traitements
hormonaux.
L'étude relève une augmentation du risque particulièrement
marquée pour les femmes ayant travaillé la nuit pendant plus de quatre ans et
pour celles qui ont alterné travail de nuit et travail de jour, plus perturbant
pour l'horloge interne.
L'étude montre aussi un risque accru (50% au lieu de 30%)
pour les femmes qui ont commencé à travailler la nuit avant leur première
grossesse.
Dans ce cas, l'hypothèse est qu'avant la première grossesse,
"les cellules des glandes mammaires, pas encore complètement
différenciées, sont encore plus vulnérables à des perturbations", explique
M. Guénel.
D'une manière générale, "toutes les études sur le
travail de nuit partent de l'hypothèse d'une perturbation du rythme circadien
qui entraîne une perturbation du cycle hormonal, suspectée d'entraîner un
risque accru de cancer", indique-t-il.
Ces données tirées de l'étude générale Cécile sur les
facteurs environnementaux, professionnels et génétiques sur le cancer du sein,
a porté sur l'analyse comparée de 1.250 femmes atteintes d'un cancer du sein et
1.350 femmes non touchées, dans deux départements français (Ile-et-Vilaine,
dans l'ouest et Côte-d'Or, dans le centre, choisis pour des raisons pratiques).
Désormais plusieurs études vont "globalement dans le
sens d'une augmentation du risque de cancer liée au travail de nuit",
souligne M. Guénel. "C'est un problème de santé publique qu'il faudra
prendre en compte à un moment donné".