mercredi 20 juin 2012

Le travail de nuit nuit gravement à la santé


Ce n'est pas la première fois qu'est pointé du doigt l'effet néfaste du travail nocturne. L'agence cancer de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), le Centre international de recherche sur le cancer (IARC/CIRC), l'a classé en 2010 comme "probablement cancérogène" en tant qu'activité perturbatrice du "rythme circadien".

Le rythme "circadien" (qui en latin signifie "environ un jour") gère l'alternance veille-sommeil, régulant de nombreuses fonctions biologiques et se trouve altéré chez les personnes travaillant la nuit ou ayant des horaires décalés.

Une étude chez des infirmières avait déjà "montré un excès de risque de cancer du sein pour celles travaillant la nuit", explique Pascal Guénel, directeur de recherche au Centre de recherche en épidémiologie et santé des populations de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm, France).

Mais l'originalité de cette étude est de porter sur une population féminine générale et de traiter de manière relativement détaillée les types et les durées des activités de nuit effectuées, explique cet épidémiologiste.

Une augmentation de 30% du risque de cancer chez les femmes ayant travaillé la nuit peut être considérée comme "plutôt légère mais significative d'un point de vue statistique", indique à l'AFP M. Guénel qui a dirigé l'étude publiée dans l'International Journal of Cancer.

Un tel accroissement signifie que le "risque relatif" est de 1,3 alors que "par comparaison le risque relatif de cancer du poumon chez les fumeurs est de dix", relativise-t-il.

Mais le risque lié au travail de nuit est "du même ordre de grandeur" que d'autres risques connus de cancer du sein comme les mutations génétiques, l'âge tardif de la première grossesse ou les traitements hormonaux.

L'étude relève une augmentation du risque particulièrement marquée pour les femmes ayant travaillé la nuit pendant plus de quatre ans et pour celles qui ont alterné travail de nuit et travail de jour, plus perturbant pour l'horloge interne.

L'étude montre aussi un risque accru (50% au lieu de 30%) pour les femmes qui ont commencé à travailler la nuit avant leur première grossesse.

Dans ce cas, l'hypothèse est qu'avant la première grossesse, "les cellules des glandes mammaires, pas encore complètement différenciées, sont encore plus vulnérables à des perturbations", explique M. Guénel.

D'une manière générale, "toutes les études sur le travail de nuit partent de l'hypothèse d'une perturbation du rythme circadien qui entraîne une perturbation du cycle hormonal, suspectée d'entraîner un risque accru de cancer", indique-t-il.

Ces données tirées de l'étude générale Cécile sur les facteurs environnementaux, professionnels et génétiques sur le cancer du sein, a porté sur l'analyse comparée de 1.250 femmes atteintes d'un cancer du sein et 1.350 femmes non touchées, dans deux départements français (Ile-et-Vilaine, dans l'ouest et Côte-d'Or, dans le centre, choisis pour des raisons pratiques).

Désormais plusieurs études vont "globalement dans le sens d'une augmentation du risque de cancer liée au travail de nuit", souligne M. Guénel. "C'est un problème de santé publique qu'il faudra prendre en compte à un moment donné".