Après deux semaines d'accalmie, au moins dix à vingt mille
étudiants et citoyens de tous bords sont descendus vendredi dans les rues de
Montréal et de Québec pour protester contre la hausse des droits de scolarité
dans la province francophone.
A Montréal, la manifestation a attiré 10.000 à 15.000
personnes, selon des estimations de l'AFP, tandis qu'une porte-parole d'un
syndicat étudiant parlait de 100.000. Environ 5.000 manifestants étaient réunis
à Québec, la capitale de la province.
A Montréal, par une température de 30 degrés, la foule était
composée majoritairement de jeunes, mais aussi de familles et de retraités qui
défilaient dans une ambiance bon enfant au son des casseroles, des tambourins,
des sifflets et des vuvuzelas.
A deux jours de la Saint-Jean-Baptiste, "Fête nationale
des Québécois", une multitude de drapeaux fleurdelisés flottait au-dessus
de la foule.
Sur une pancarte, un étudiant s'interrogeait : "131
jours de mépris, Charest, où as-tu mis ton coeur?" Son affiche
interpellait le Premier ministre libéral Jean Charest, alors que le conflit,
qui polarise fortement le Québec, est entré dans son cinquième mois.
La mobilisation de vendredi , alors que bon nombre
d'étudiants sont retournés dans leur famille ou ont trouvé un travail saisonnier
, avait valeur de test pour la suite du mouvement, qui semblait s'essouffler
dans les derniers jours.
Trois précédentes manifestations , les 22 mars, avril et mai
, avaient mobilisé au moins 100.000 personnes chacune dans les rues de
Montréal.
"Je participe aux manifestations depuis le début. Je
suis venu pour m'assurer que le moral tient et qu'on continue notre
mouvement", disait Julien Vadeboncoeur, 27 ans, étudiant en sociologie à
l'Université du Québec à Montréal (Uqam), venu avec sa fille en poussette.
"Ceux qui comptent sur un essoufflement vont se
tromper. Ils ont compté sur la division du mouvement pendant des mois et ils
ont entraîné le Québec dans un cul-de-sac", renchérissait Amir Khadir,
député de Québec Solidaire (gauche) à l'Assemblée nationale du Québec, présent
à Montréal.
Les étudiants protestent contre la hausse des frais de
scolarité et la loi 78, dite "loi spéciale", qui a suspendu les cours
dans les établissements en grève jusqu'à leur reprise à la mi-août, en plus de
limiter le droit de manifester.
Les étudiants veulent faire reculer le gouvernement sur une
hausse prévue des frais de scolarité de 1.778 dollars (82%) sur sept ans, ce
qui les rapprocherait de la moyenne canadienne.
Après trois rondes de pourparlers, le gouvernement a quitté
la table de négociations le 31 mai et rien ne présage d'une issue rapide au
conflit.
Réagissant à ces nouvelles manifestations, le ministre des
Finances du Québec, Raymond Bachand, a accusé le syndicat étudiant le plus
militant, la Classe, de manipuler les trois autres. "La Classe n'a
toujours qu'un seul mandat (...), c'est le gel des frais de scolarité en route
vers la gratuité et le jour où la Classe aura une ouverture pour que les
étudiants participent davantage au financement des universités, ce jour-là, ça
vaudra la peine de se rasseoir. Entre-temps, c'est une illusion".
Le gouvernement envisagerait de déclencher des élections
anticipées à l'automne pour trancher.