L'opposition russe a réussi une forte mobilisation mardi à
Moscou avec des dizaines de milliers de personnes contre le président Vladimir
Poutine. Dans la manifestation, des banderoles reprenaient le leitmotiv des
manifestations depuis décembre : "La Russie sans Poutine". Le
rassemblement s'est terminé "sans incident" avenue Sakharov à 12H15
GMT et "personne n'a été interpellé", a rapporté la police faisant
état de 15.000 personnes à la fin de la manifestation, après avoir donné le
chiffre de 18.000 dans l'après-midi.
La mobilisation rassemble "plus de 100.000
personnes", a lancé de la tribune Sergueï Oudaltsov, le leader du Front de
gauche, un des principaux leaders de la contestation sans précédent de ces
derniers mois contre le régime russe. M. Oudaltsov, qui a ignoré une
convocation de la police pour se rendre à la manifestation, a repris devant la
foule les slogans du mouvement d'opposition contre le pouvoir "des voleurs
et des escrocs", et pour un "pouvoir honnête". Il s'est
finalement rendu au comité d'enquête en fin de journée et devrait y retourner
mercredi. "Ils ont peur", a de son côté lancé Boris Nemtsov, un autre
leader d'opposition, ancien vice-Premier ministre du président Boris Eltsine.
Des officiers de police sont montés sur la tribune pour
remettre aux deux hommes des convocations pour se rendre au comité d'enquête,
comme ont dû le faire mardi notamment le militant anti-corruption et
nationaliste Alexeï Navalny et le leader du mouvement Solidarnost Ilia Iachine.
"J'ai l'impression qu'il y a une commande politique pour nous désigner
organisateurs de troubles massifs" au cours de la manifestation de
l'opposition du 6 mai qui a dégénéré en heurts avec la police, a souligné Ilia
Iachine."C'est un règlement de compte politique qui n'a rien à voir avec
la justice", a pour sa part commenté à la radio Echo de Moscou l'opposante
Ksenia Sobtchak qui s'est vu confisquer la veille plus d'un million d'euros et
son passeport.
Après la manifestation, une nouvelle perquisition a été
menée dans l'appartement de Nemtsov et au bureau de l'association
anticorruption Rospil d'Alexeï Navalny, ont indiqué leurs avocats.
A Saint-Pétersbourg, entre 5.000 et 6.000 personnes ont
traversé la ville en scandant eux aussi "La Russie sans Poutine" et
en arborant des ballons blancs, la couleur choisie pour symbole de la
contestation.
Au même moment, devant l'élite politique du pays réunie au
Kremlin pour célébrer la fête nationale, Vladimir Poutine a lancé un nouvel
avertissement. "Tout ce qui affaiblit le pays et désunit la société est
inacceptable pour nous", a-t-il déclaré.
La manifestation de mardi avait été autorisée par les
autorités après de longues négociations. Plus de 12.000 membres des forces de
l'ordre - policiers, unités anti-émeutes et troupes du ministère de l'Intérieur
- étaient mobilisés dans la capitale, selon les autorités. Cette manifestation
est la première depuis l'investiture le 7 mai au Kremlin de Vladimir Poutine
pour un troisième mandat de président après ceux de 2000-2008 et un intermède
de quatre ans comme Premier ministre. Elle intervient après des mesures
interprétées par les observateurs comme un signe de durcissement du régime
après cinq mois d'une contestation sans précédent depuis une décennie.
Plusieurs sites d'opposition, comme celui de la radio Echo
de Moscou, de la télévision satellite Dojd et du journal Novaïa Gazeta, étaient
inaccessibles dans la journée. Des perquisitions avaient par ailleurs eu lieu
lundi au domicile d'une dizaine de leaders et membres de l'opposition, dont MM.
Navalny et Oudaltsov. Le comité d'enquête a motivé ces opérations par une
enquête en cours sur des "troubles massifs à l'ordre public" lors de
la manifestation du 6 mai à Moscou, la veille de l'investiture M. Poutine.
Le Parlement a en outre adopté la semaine dernière en
urgence une loi controversée qui porte à plusieurs milliers d'euros les amendes
possibles pour les participants ou organisateurs de manifestations. Vladimir
Poutine a signé la loi vendredi, ignorant l'appel lancé par son propre
conseiller aux droits de l'homme pour qu'il y mette son veto.
Les premières grandes manifestations de l'opposition ont
commencé en décembre dernier après la victoire du parti au pouvoir Russie unie
aux législatives avec près de 50% des suffrages, au prix de fraudes massives
selon l'opposition.