En ce mercredi 6 juin 2012, quoi de neuf en ce monde ??? Gilbert
Gatore, écrivain d’origine rwandaise vivant en France depuis l’âge de 16 ans,
vient de voir sa demande de naturalisation rejetée. N’ayant plus le statut de
réfugié, il risque l’expulsion.
Gilbert Gatore avait demandé rendez-vous à la France mais la
France s’est mise aux abonnés absents. Au terme d’une longue procédure, elle
vient de lui signifier pour la deuxième fois en sept mois son refus de le
naturaliser. Pour une vieille histoire de peu de sous. « Un comportement fiscal
jusqu’à récemment sujet à critiques », dit le recommandé de la Direction de
l’accueil, de l’intégration et de la citoyenneté (sic) du ministère de
l’Intérieur. Traduire, un arriéré d’impôts de 3 845 euros dû à une situation
financière délicate et passagère en 2010, réglé depuis rubis sur l’ongle,
pénalités comprises.
Pour qui connaît un peu l’homme, cette décision est aussi
absurde qu’incompréhensible. Ses parents ont choisi la France en 1997.
Rwandais, ils avaient fuit le génocide qui ravageait leur pays en 1994, erré
pendant des années en Afrique avant d’atterrir à Nice. Le jeune Gatore a alors
16 ans et parle mal le français ce qui ne l’empêchera pas de décrocher dix-huit
mois plus tard un bac L mention bien, avant d’enchaîner avec Sciences Po Lille
puis HEC.
A 26 ans, il parcourt la France pendant deux mois d’un
monastère à l’autre pour écrire en toute quiétude un roman qu’il porte en lui
depuis longtemps. Ce sera Le Passé devant soi, une fiction éblouissante où il
approche au plus près l’horreur impossible à dire du génocide rwandais. Il
expédie son manuscrit par la poste à quatre maisons d’édition (Le Seuil,
Minuit, Actes Sud et Phébus), reçoit trois réponses positives, choisit Phébus
car il a été touché que l’éditeur lui envoie une note de lecture personnelle
détaillée de son texte.
L’accueil de la critique et du public est unanime. Le livre
remporte le prix Ouest France-Etonnants Voyageurs au festival de Saint-Malo. Un
écrivain est né. Les portes d’une carrière littéraire lui sont grandes
ouvertes.
Il les referme doucement refusant de se laisser enfermer dans l’image
du énième Rwandais témoignant du génocide. « Il est des nationalités qui pèsent
plus que d’autres », confie-t-il presque en s’excusant. Il opte alors pour une
carrière de directeur commercial dans une grande agence de publicité, fonde une
entreprise qui ne rencontre pas le succès escompté, connaît une passe
financière difficile, revient au commercial.
Longtemps il s’est refusé à demander la nationalité
française car elle l’obligeait à renoncer à celle de ses origines. « J’avais
l’impression d’oblitérer une partie de moi-même. » En août 2010, il bascule. «
J’avais passé plus de temps en France qu’au Rwanda, le moment était venu.
J’avais envie d’être Français. Je n’imaginais mon avenir nul part ailleurs
qu’ici. »
Consciencieusement, il remplit les formulaires de
naturalisation, passe un entretien, un « test de francité », un autre entretien
et puis attend, attend, attend. Jusqu’à cette décision récente. Jusqu’à ce que
le ministère de l’Intérieur lui refuse la possibilité de laisser enfin son
passé derrière lui. « J’ai eu le sentiment de me faire cracher à la figure. »
Gilbert Gatore, qui vivait depuis dix ans sous le statut de
réfugié politique, est sans papiers depuis décembre 2011 dans l’attente du
renouvellement de son statut. Si rien n’est fait dans les prochains jours, il
risque de perdre son emploi, de devenir expulsable. Alors même s’il a bien trop
de pudeur pour le penser et encore plus pour le dire, on va le faire à sa place
: si l’administration refuse la naturalisation à un homme qui, à tous points de
vue constitue ce « modèle d’intégration à la française » dont les politiques
nous rebattent les oreilles dans leur discours, alors quel étranger peut
aujourd’hui prétendre à être naturalisé français ?
Voila encore un jour en ce beau monde….allez allez circulez
il y a rien à voir.