Elle espère que la décision fera date, comme les premières
condamnations dans les dossiers de l’amiante. Peggy Venel a obtenu hier matin,
du tribunal des affaires de la Sécurité sociale de Melun, la reconnaissance
d’une « faute inexcusable ayant entraîné une maladie professionnelle » de la
part d’Areva, à la suite du décès de son père en 2009.
Serge Venel, qui habitait Souppes-sur-Loing, avait succombé
à un cancer du poumon à l’âge de 59 ans après avoir travaillé dans une mine
d’uranium au Niger entre 1978 et 1985. Pendant sept ans, il avait inhalé des
poussières et été exposé à des gaz radioactifs.
« C’est une décision énorme, a réagi Peggy Venel à la sortie
du tribunal hier matin. C’est la première fois qu’Areva est formellement
reconnu responsable. On espère que ça va faire beaucoup de bruit et entraîner
d’autres plaintes. De nombreux anciens salariés, ou des familles d’anciens
salariés, n’osent pas porter plainte contre Areva. »
Le jugement n’était pas évident, notamment parce que
l’employeur de Serge Venel au Niger n’était pas formellement la Cogema (ancien
nom d’Areva). Cet ingénieur mécanicien travaillait pour le compte de la
Compagnie minière d’Akouta (Cominak), une société de droit nigérien dont Areva
est cependant l’actionnaire majoritaire à hauteur de 34%. Le géant français du
nucléaire est également propriétaire de la mine d’uranium. « Le tribunal de
Melun a retracé la réalité des rapports sociaux dans l’entreprise, estime Me
Teissonière, qui défend la famille Venel. La justice ne s’est pas arrêtée à la
fiction juridique créée par l’écran de la Cominak. Elle a constaté qu’Areva
était le responsable réel. »
De son côté, le groupe nucléaire français se montre
circonspect. « On ne comprend pas le jugement du tribunal de Melun,
indique-t-on chez Areva. Il y a une contradiction parce que d’un côté, le
tribunal décrète qu’Areva est coemployeur, de l’autre côté, il demande à la
Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) de verser les sommes. » En tout, la
famille Venel doit recevoir plus de 200000 € et voir la pension de Serge Venel
lui être versée dans sa totalité. Me Teissonière indique toutefois que « la
CPAM doit toujours verser les sommes, c’est la procédure. C’est ensuite à elle
de se retourner contre Areva. Ce qui compte, c’est surtout que la
responsabilité d’Areva ait été reconnue ».
Le géant du nucléaire a toutefois un mois pour faire appel
de cette décision. Chez Areva, on indique « attendre de recevoir le jugement
par écrit la semaine prochaine avant de se prononcer sur les suites juridiques
à donner ». Peggy Venel s’attend d’ailleurs à un appel : « Je pense qu’ils
iront jusqu’en cassation s’il le faut, mais on ne lâchera pas. »