C’était
prévisible, mais Sarkozy et la présence de Le Pen à Henin Beaumont ont
décidément rendu le Préfet sourd et aveugle. Le Tribunal Administratif (TA)
vient d’annulation une seconde fois l’obligation de quitter le territoire
envoyée à la footballeuse Rigoberte Mbah. Même le rapporteur public avait, le
13 avril, demandé à ce que la situation de la joueuse soit examinée par la
préfecture du Pas-de-Calais. Cette fois-ci, le tribunal administratif a non
seulement annulé la décision préfectorale (une obligation de quitter le
territoire), mais a condamné la préfecture du Pas-de-Calais à une amende de 800
euros qui devra être versée à Rigoberte M'Bah.
Par
ailleurs ce jugement demande au préfet de lui attribuer à nouveau un titre de
séjour provisoire valable pendant trois mois. La première annulation du TA
avait aussi demandé l’attribution d’un tel titre de séjour qui au bout de trois
mois avait vu la préfecture ré-envoyée une seconde obligation de quitter le
territoire. Il n’y a jamais deux sans trois dit l’adage, alors le préfet osera
t-il récidiver en persistant dans le refus revanchard de régulariser la
footballeuse ?!
Le CSP59
rediffuse ici la lettre ouverte que nous avions adressés à la Fédération
Française de football, au ministre du sport et au préfet qui est jusqu’ici sans
réponse.
« Le
Football Club Féminin d’Hénin Beaumont, une équipe que certains dirigeants ont
transformée en vieux marché d’esclaves, où l’atmosphère dégoûtante de
l’esclavage s’infiltre dans chaque aspect de la vie à travers le traitement
réservé à Rigoberte parce que noire.
La
mésaventure rocambolesque de cette jeune femme commence en 2008,
lorsqu’un dénommé Faucon découvre ses talents footballistiques à Yaoundé au
Cameroun. « Je suis président du Football Club Féminin de Brive, j’ai besoin
d’une joueuse douée comme toi. Je n’ai plus du liquide sur moi, trouve-toi un
billet, viens à Brive, tous tes frais te seront remboursés ». Rigoberte
s’endette et embarque pour Brive.
Arrivée
ici, surprise !. L’homme, n’est pas président du Club de Brive. Le « Faucon»,
filou intelligent, est entraineur de la
modeste équipe de l’ASPO qui évolue en division d’honneur. La demande de titre
de séjour faite par l’équipe de Brive est rejetée par le Préfet de la Corrèze,
assortie de l’OQTF, le 1 août 2008, au motif qu’elle n’évolue pas en 1ère division…
Entre
temps, Rigoberte qui est placée dans un foyer des jeunes travailleurs de Brive,
diffuse sur internet, avec l’aide d’une animatrice son CV à l’intention des
Clubs de Football Féminin. Le Club d’Hénin Beaumont se manifeste et l’intègre
après un stage d’évaluation probant à Montguyon à Angoulême. Elle est ainsi
licenciée du Club depuis février 2009. Le directeur administratif et son
adjoint qui viennent personnellement la chercher après le stage, lui
promettent, outre le logement, un contrat de travail, un salaire mensuel de
l’ordre de 500 € et d’intervenir auprès de l’administration préfectorale pour
l’obtention de son titre de séjour. Elle vivra un cauchemar pendant 2 ans :-
logée dans un « hôtel de passe » à la limité de l’insalubrité, face à la gare
d’Henin Beaumont, puis chez un supporter, puis chez une joueuse…- percevant 50
€ par semaine – cette somme étant donnée à ses logeurs quand ceux-ci acceptent
de la loger mais pas de la nourrir. Comme elle insiste auprès des dirigeants
pour l’obtention de son titre de séjour, elle est conduite à la police
municipale d’Hénin Beaumont où un agent lui fait signer un document. Les
promesses de régularisation à l’initiative du Club ne seront jamais tenues ;
puisque dans la foulée la préfecture du Pas de Calais prend une nouvelle
décision de refus de séjour le 18 mai 2009 au motif que Mlle M’bah ne présente
pas de visa long séjour.
Malgré
tout cela, le Club la fait jouer tous les dimanches, quasi tous les matchs de
championnat, sans contrat, et de la menacer (par SMS notamment) si elle ne se présente
pas aux entraînements…Les détails de ce calvaire sont très nombreux, les
personnes informées de la situation très nombreuses également. Lors de la
préparation des matchs, au restaurant, dans l’avion, au vestiaire, dans les
douches, Dans les chambres, elle est dédaigneusement isolée. Elle doit prendre
sa douche après toutes les joueuses sans doute à cause des « odeurs » et les «
souillures ». Dans les bus, les dirigeants mettent des K7 vidéo à caractère
raciste montrant des images dégradantes des noires comme en Afrique du Sud.
Juste avant chaque match le président du Club fait son apparition : «Rigo, on
compte sur toi. T’inquiète pas pour tes papiers, la régularisation est en cours
… ». Après les matchs, l’homme disparaît pour ne réapparaître qu’au suivant.
Pendant
tout ce temps, elle s’entraîne et joue pour le club (voir le site officiel du
Club qui reprend tous les matchs avec mention de sa participation depuis 2009).
En
juillet 2009, et sous couvert d’une démarche de régularisation, Monsieur
Knockaert en complicité avec la police emmène Rigoberte en voiture à Brive où
la livre à la paf sur un parking de supermarché de Brive. Interpellée et
conduite au CRA de Toulouse, elle est sera libérée par le 1er Président de la
Cour d’Appel de Toulouse pour interpellation déloyale par ordonnance du 6 août
2009.
A la
rue, elle est hébergée par une personne qui lui vient en aide. Le Club d’Hénin
Beaumont se manifeste à nouveau auprès d’elle. Ces gentils messieurs ne
savaient pas, ils ont besoin d’elle…
Rigoberte,
à ce stade, est toujours seule en France, sans statut professionnel alors
qu’elle était joueuse de 1er division internationale au Cameroun – et voit sa
carrière anéantie. Le Club d’Hénin lui promet un vrai contrat, un salaire, un
logement… Elle réintègre l’équipe.
L’affaire
sort de la relation binaire FCHB – M’bah : le maire d’Hénin Beaumont est
interpellé sur la situation, lequel obtient pour elle un logement à Lille.
Il
confie le dossier de demande de titre de séjour à Maître Calzia qui se targue
être le conseil de la mairie. L’avocate introduit une demande de titre de
séjour en juin 2010. La demande est appuyée par le Président de la Ligue du
Nord Pas de Calais, par le Maire d’Hénin Beaumont, le Président de l’office du Sport.
Ce dernier adresse d’ailleurs un courrier particulièrement éloquent le 1er
juillet 2010 au Président du football club d’Hénin Beaumont pour manifester son
indignation des conditions dans lesquelles Mlle M’bah est traitée. La démarche
est pertinente car la préfecture du Nord procède à des régularisations sur
présentation d’une promesse d’embauche. A l’appuie de la demande, le Club
d’Hénin l’un de ses sponsors, « avenir propreté » lequel établit une promesse
d’embauche « en tant qu’agent d’entretien». D’après nos informations le Préfet
aurait rejeté la demande de régularisation depuis le 21 décembre 2010, qui
n’aurait été notifiée que ces derniers jours.
Pendant
ce temps, le Football club d’Hénin Beaumont continue à faire jouer Rigoberte M’bah,
sans contrat, sans couverture sociale. Le 5 décembre 2010, elle se blesse: Un
dirigeant du Club emmène chez un médecin qu’il paie avec sa propre carte vitale
– l’ordonnance est rédigée à son nom. Il promet d’emmener Rigoberte aux séances
de kiné prescrites mais n’en fait rien.
Malgré
les blessures, les dirigeants du Club, menaçants, exigent qu’elle poursuive ses
entraînements.
La
comparaison du Club d’Hénin Beaumont avec le vieux marché d’esclave qui serait
une relique historique peut paraître excessive. Personne aujourd’hui ou presque
n’ose exclure aujourd’hui les nègres de l’humanité. Cependant, le traitement
concret réservé à Rigobert montre clairement c’est dans le but de l’asservir et
de l’utiliser à bon marché telle une bête de somme que les dirigeants du Club
d’Hénin Beaumont, suivent une politique conséquente que tente d’imposer
l’héritière du fascisme sur Hénin Beaumont : la propagation du racisme.
De ce
point de vue la régularisation de libération de Riboberte et sa régularisation
est non seulement une réparation d’injustice mais aussi un acte antiraciste. Et
tout démocrate de ce pays y a un intérêt direct.
Décembre
2010 »