mercredi 23 mai 2012

Billet d'humeur du mercredi 23 mai 2012 (Marseille : ces Roms qui vivent sous terre)


En ce mercredi 23 mai 2012, quoi de neuf en ce monde ??? Les rats ne sont pas les seuls habitants des villes qui vivent sous la terre, ne se risquant à la lumière que pour aller chercher leur nourriture dans les poubelles. À Marseille, des êtres humains mènent cette existence de fantômes. Entre eux, d'ailleurs, ils s'appellent "les invisibles" : au cours de sa longue errance, le peuple rom a appris que pour éviter les ennuis, il vaut mieux ne pas se faire repérer. C'est pourquoi très peu d'enfants roms sont inscrits à l'école. Et leurs familles, inconnues des services sociaux, demandent rarement une aide.

Mais "invisibles", certains le sont vraiment devenus. Chassés, pourchassés, délogés de leurs squats et de leurs campements, ces familles-là se terrent. Sous le bitume. Une colonie entière planquée sous la rocade de Frais-Vallon.

Les milliers d'automobilistes qui y passent chaque jour ne se doutent pas que des enfants jouent sous les roues de leur voiture, à l'intérieur de la passerelle, juste derrière le mur de soutènement de la voie express. C'est là, dans la pénombre, au milieu des déchets amoncelés, que des dizaines d'êtres humains vivent comme des rats.

Passé le rideau de mouches qui bourdonne à l'entrée, on s'enfonce dans le noir, saisi à la gorge par une insoutenable odeur de brûlé et de moisi.

Ils ne sont que six ce jour-là, qui nous accueillent avec le sourire, dans le vacarme des voitures qui fait trembler le plafond. "Pas de problème, on est bien ici, à l'abri". Autour d'un brasero, ils racontent qu'ils ont trouvé cette cachette par hasard, il y a quelques mois, et l'ont peu à peu aménagée. Des cabanes en bois avec des matelas font désormais office de chambrettes. Ici et là, des posters, des calendriers. À l'entrée, où perce un peu de lumière, il y a même un coin salon, meublé de vieux canapés.

Bien pratique aussi, cet immense couloir, long d'une cinquantaine de mètres, qui s'enfonce sous la passerelle. Les occupants y entreposent leurs affaires, vêtements, ferraille, métaux, résidus de poubelles. "Et chez vous, on trouve parfois des trésors dans les ordures ". Récemment un Iphone, en parfait été de marche.




Demain, une partie de ces richesses sera exportée en Roumanie. Le "bus du samedi" fait les allers-retours moyennant 80 € le passage. Chaque semaine, il conduit des Roms de Marseille au pays. D'autres, arrivés dans le même véhicule, viendront prendre leur place dans la cité cachée de Frais-Vallon. Et cette fois, plusieurs enfants seront du voyage.

"Tout ce qu'on veut, c'est gagner un peu d'argent ici, et rentrer chez nous pour aider la famille", dit une jeune femme qui prendra le car demain. Elle sera de retour dans quelques semaines pour reprendre son "travail" au feu rouge de la Rose.

"Parqués dans des camps pendant l'ère Ceaucescu, les Roms de Roumanie ont perdu la culture du voyage. S'ils se déplacent en Europe, c'est juste pour survivre", explique t il

Et pour survivre à Marseille, où les pouvoirs publics ont renforcé les dispositifs d'expulsion, les Roms deviennent des ombres : quand la misère se fait souterraine, pas de risque de gêner les voisins. Il est d'ailleurs possible que d'autres camps "invisibles" aient été aménagés dans le ventre de la ville.

Ces squats sont autant de bombe à retardement. Au-delà même des risques sanitaires pour les occupants de ces cloaques, la survenue d'un incendie est à redouter. Autour du brasero qui crépite jour et nuit, on se dit qu'il suffirait d'un rien pour que le feu se propage dans la galerie sans issue, bourrée de matériaux inflammables et de bouteilles de gaz.

Piégés par les flammes, les Roms qui hantent la rocade de Frais-Vallon échapperaient alors définitivement à nos regards.

Voila encore un jour en ce beau monde….allez allez circulez il y a rien à voir.




Source : La Provence