En ce jeudi 24 mai 2012, quoi de neuf en ce monde ??? C'était
le 30 décembre 2010. Marcel Dumas avait punaisé un petit mot sur la porte de sa
maison de Saint-Xandre, en Charente-Maritime : « Je suis mort », puis il était
allé se pendre. Un passant intrigué avait alerté les secours. Les gendarmes ont
découvert le corps un peu plus tard, trop tard.
De l'avis de ses proches, Marcel n'était pas dépressif,
encore moins suicidaire. Il était juste au bout du rouleau. À 56 ans, chômeur,
avec 600 euros par mois pour survivre, il venait de recevoir un recommandé du Pôle
emploi lui enjoignant de rembourser un trop-perçu de 8 944,76 €. Aucun
justificatif n'accompagnait ce courrier type à la sécheresse tout
administrative. Pas de décompte des sommes dues non plus, mais un échéancier à
respecter : 1 789 euros par mois pendant cinq mois. « D'être considéré comme un
fraudeur, il ne l'a pas supporté », résume Marie-Lise Deschamps.
Marie-Lise, c'est la grande sœur de Marcel. Elle dit n'avoir
découvert la détresse de son frère qu'après sa mort, en épluchant ses maigres
papiers. « Il ne parlait jamais de ses problèmes. J'ai appris plus tard qu'il
était obnubilé par cette affaire. Sa hantise, c'était qu'on lui prenne sa
maison, qu'il se retrouve à la rue. Pour moi, il est clair qu'on l'a poussé au
suicide. »
Marie-Lise décrit son cadet comme un vieux garçon « renfermé
» mais « qui n'aurait jamais fait de mal à personne ». Quelqu'un de « démuni »,
« sans défense », avec son certificat d'études pour seul bagage. Électricien de
marine, il avait été mis au chômage par la fermeture du chantier Gib Sea de
Marans, au début des années 1990. « Il n'avait pas retrouvé de vrai travail
depuis. Il vivait d'emplois aidés, de petits boulots à droite à gauche. »
En 2007, Marcel Dumas est recruté par la Maison des chômeurs
de La Rochelle. 26 heures par mois payées 200 euros. Qu'il porte
consciencieusement sur sa déclaration de revenus. Son « conseiller référent »
de l'ANPE est au courant, comme en témoignent les fiches de liaison de 2008 que
Marie-Lise a retrouvées.
Pourtant, à l'automne 2010, le Pôle emploi l'accuse de ne
pas avoir déclaré cette activité. Le radie provisoirement, suspend ses droits
et lui notifie le trop-perçu. Puis, s'agissant de l'ASS, une allocation d'État,
le dossier est transmis à la préfecture. La machine est en marche.
Le 28 décembre 2010, le Pôle emploi convoque Marcel Dumas à
un entretien pour le 5 janvier. Puis lui signifie sa radiation le 10 pour cause
d'absence au rendez-vous. Il était mort depuis onze jours.
Une bavure dans la chasse aux petits fraudeurs ? Marie-Lise
Deschamps en est convaincue. Elle en veut à ce conseiller référent qui savait
et n'a rien dit, qui n'a pas voulu voir la bonne foi de Marcel et sa détresse.
« Curieusement, il a été remplacé juste après la mort de mon frère. »
Si elle s'est décidée à parler en 2012, c'est « pour que
cela ne se reproduise pas ». C'est aussi pour combattre ce sentiment d'impuissance
qui la hante depuis un an. Le procureur de la République de La Rochelle a
classé sa plainte sans suite pour « absence d'infraction ». La Direction du
travail et de l'emploi a reconnu, tardivement, qu'il n'y avait pas eu fraude,
les bénéficiaires de l'ASS pouvant sous conditions cumuler salaire et
allocation. Mais personne, sinon lui-même, ne peut être tenu pour responsable
de la mort de son frère.
Au Pôle emploi, le directeur régional de Poitou-Charentes,
Dominique Morin, rejette tout lien de cause à effet entre la procédure engagée
contre le chômeur et son suicide. Il exclut de la même façon tout
dysfonctionnement de ses services : « Le fait déclencheur, c'est la
non-déclaration des salaires. Marcel Dumas l'avait reconnu. Il nous avait
contactés pour demander un échelonnement. Nous ne faisons qu'appliquer par
délégation de l'État la réglementation que la loi nous impose. »
Pas de faute, pas de dysfonctionnement, les procédures ont
été respectées. Mais si elles aboutissent à ce résultat, c'est qu'il faut
peut-être les changer.
Voila encore un jour en ce beau monde….allez allez circulez
il y a rien à voir.