Les militants des droits de l'Homme en Azerbaïdjan espèrent bien profiter de l'Eurovision, dont la finale se tient samedi, pour attirer l'attention de la communauté internationale sur le problème des droits de l'Homme dans cette ex-république soviétique.
L'opposition azerbaïdjanaise accuse la dynastie des Aliev, au pouvoir dans le pays quasiment depuis la chute de l'URSS en 1991, de réprimer la liberté d'expression et d'emprisonner des opposants sur de fausses accusations.
Face à l'afflux sans précédent de journalistes étrangers à Bakou, la capitale, qui accueille pour la première fois du 22 au 26 mai ce très populaire concours de la chanson, l'opposition s'est mobilisée pour se faire entendre.
«C'est la première fois en Europe que les gens utilisent l'Eurovision pour essayer de résoudre les problèmes liés aux droits de l'Homme», a déclaré à l'AFP le militant pour les droits de l'Homme Rasul Jafarov. Cet homme de 27 ans dirige le mouvement «Sing for Democracy» («Chante pour la Démocratie»), lancé par des militants et des journalistes afin de faire connaître à la communauté internationale la situation dans ce domaine en Azerbaïdjan.
M. Jafarov a notamment demandé à la chanteuse suédoise Loreen, qui figure parmi les favoris de l'Eurovision, de parler des droits de l'Homme quand elle montera sur scène avec sa chanson «Euphoria».
Les autorités minimisent pour leur part la portée de l'opposition, affirmant qu'elle manque de soutien dans le pays. «Nous avons une opposition, elle est petite et faible. Mais qu'est-ce que nous pouvons faire avec ça?», lance Hadi Rajabli, chef du comité pour la politique sociale au parlement d'Azerbaïdjan.
Ces propos sont cependant loin de décourager les militants du mouvement «Sing for Democracy» qui envisagent d'organiser plusieurs «promenades» de protestation à Bakou pendant l'Eurovision, comme celle qui a déjà eu lieu mercredi dans la capitale, sans que la police n'intervienne.
Plusieurs dizaines d'opposants ont été interpellés par la police jeudi à Bakou lors d'une nouvelle manifestation. «C'est bien que des journalistes étrangers viennent ici et qu'ils soient intéressés», se félicite l'un des militants de l'opposition, Oktay Lygenderei, lors d'une réunion avec ses partisans dans un appartement de la banlieue délabrée de Bakou.
M. Lygenderei raconte avoir observé une grève de la faim pendant trois jours pour soutenir son frère qui avait été condamné le printemps dernier à trois ans de prison pour avoir protesté contre le régime du président Ilham Aliev.
Cinq autres participants à cette réunion disent eux aussi avoir observé une grève de la faim pour exiger la libération des prisonniers politiques et l'adoption des réformes démocratiques. Optimiste sur à la mobilisation des militants des droits de l'Homme, M. Lygenderei craint cependant que des «arrestations de masse commencent après l'Eurovision».
Préoccupation partagée par l'ONG Amnesty International, qui considère que 17 personnes actuellement détenues en Azerbaïdjan sont des prisonniers de conscience. «Les militants qui ont parlé des violations des droits de l'Homme seront considérés par les autorités comme ceux qui ont essayé de gâcher la fête. Les autorités vont se venger après le départ des journalistes étrangers», estime Max Tucker d'Amnesty International.
«Quand l'Eurovision sera finie, le gouvernement va s'occuper de tous ceux qui ont émis des critiques. J'en suis absolument sûre», lui fait écho Khadija Ismayilova, journaliste à Radio Liberty, une radio américaine basée à Prague qui émet en langues locales dans une bonne partie du territoire de l'ex-URSS.