Dans huit jours, les 343 salariés de Meryl Fiber, à
Saint-Laurent-Blangy, connaîtront le sort de leur entreprise, qui fabrique des
fils polyamides : la liquidation
judiciaire, ou la reprise. Un candidat, Nexis Fiber, s'est retiré. Une longue
attente commence.
Difficile d'éviter le dialogue de sourds, hier matin, aux
portes de l'usine. D'un côté, des salariés convoqués à une assemblée générale,
venus chercher des infos. Face à eux, une intersyndicale qui ne dispose pas de
la moindre miette à leur donner, tout du moins pas avant une réunion programmée
hier après-midi à la préfecture.
En attendant, les salariés, qui se sentent condamnés,
gambergent. La tête n'est plus au boulot. « Les gens veulent savoir où on va.
Quand la procédure se mettra en place, si on continue. C'est le flou complet »,
déplore un salarié, abattu. Surtout depuis le retrait de Nexis Fiber, repreneur
potentiel, annoncé il y a une semaine. « Même si Nexis revient, tout le
personnel ne sera pas repris. Ils auraient gardé 210 personnes sur 343 »,
rappelle un syndicaliste.
Le pessimisme demeure. L'idée d'une fermeture est ancrée. «
On voudrait des infos sur la situation », réclame un salarié, dans le groupe
formé aux grilles de l'entreprise. Un syndicaliste, désabusé : « On ne sait
plus rien. On pensait avoir des infos, on ne les a pas. »
Du coup, certains veulent agir. « Ce n'est pas à la dernière
minute qu'il faut bouger. C'est il y a six mois, qu'il fallait le faire »,
estime un salarié qui totalise trente-trois ans de boutique. Quelques hommes
ont déjà quitté les lieux. Vite rejoints par un cortège formé spontanément, au
giratoire devant l'usine. La manifestation improvisée filera de rond-point en
rond-point, dans Saint-Laurent-Blangy, jusqu'à la mairie. Jamais les Meryl
Fiber n'ont pris la route. Jamais ils n'ont haussé le ton. « On a toujours
demandé aux gars de rester calmes. Il n'y a pas eu de sabotage. On ne voulait
pas effrayer un repreneur. Là, la pression monte dans les ateliers depuis une
semaine », explique un quinquagénaire. Un jeune homme, en tenue de travail,
espérait une embauche définitive en juin 2013, à 28 ans : « Ça fait un an et
demi que je suis là, en contrat pro. Avant, j'ai fait deux ans d'intérim à
Duisans. J'aurais préféré un boulot, mais bon. Je n'ai pas de crédit, je n'ai
pas d'enfants. Je pensais acheter une maison, c'est repoussé. Il y a des gars
qui ont la cinquantaine, c'est dur. Certains ont des crédits, deux ou trois
enfants... »
Un salarié, embauché à la texturation, revient, avec un
collègue, sur le chômage partiel, le projet de SCOP avorté, le « potentiel
fabuleux de l'usine », les investissements nécessaires. Mais son avenir à lui ?
« Je ne sais pas. Des formations ? »
Il y pense, d'autant qu'en fin d'après-midi, les nouvelles
ne sont pas bonnes. De retour de la préfecture, où elle a rencontré le préfet,
l'administrateur et le liquidateur, l'intersyndicale fait la moue : « Pour eux,
c'est fini. Si demain il y a un projet, on arrête la procédure. » Personne n'y
croit. La certitude, c'est que la décision du tribunal de commerce tombera le
30 mai. Les licenciements seraient lancés dans la foulée. Des syndicalistes ont
prévenu : « Les indemnités extra-légales, ce n'est même pas la peine. »
Certains voudraient négocier, ou protéger les stocks, qui
ont de la valeur. Ce qu'ils ont obtenu noir sur blanc, c'est la possibilité de
rester chez eux jusqu'au 30 mai, avec le maintien du salaire. « Pas question,
on restera ici. Rien ne sortira d'ici », jure un salarié, qui a promis de
revenir ce matin, à 11 h, devant l'usine, pour une réunion programmée par
l'intersyndicale.